lundi 31 décembre 2012




D'ici quelques jours, le 3 janvier, le second volet de la trilogie de Jón Kalman Stefánsson sera disponible en collection folio. La troisième partie de la trilogie paraîtra le 11 janvier dans la collection Du monde entier. Ce dernier opus est à la hauteur des deux autres : une merveille...
Meilleurs voeux à tous les lecteurs de ce blog.
 











dimanche 16 décembre 2012


 
Pour ceux des lecteurs de ce blog qui me demandent régulièrement des informations sur l'enseignement des langues nordiques - et plus particulièrement de l'islandais - en France, je les engage vivement à aller visiter le site du Département d'études nordiques de l'Université de Caen Basse-Normandie. 

 Les études nordiques à Caen

vendredi 7 décembre 2012

A paraître le 10 janvier 2012 chez Gallimard, Du monde entier, 460 et quelques pages de bonheur pour le traducteur... Voici la présentation qu'en donne l'éditeur, en quatrième de couverture - enfin, je suppose, je n'ai pas encore eu le livre entre les mains.

"«Où s’achèvent les rêves, où commence le réel? Les rêves proviennent de l’intérieur, ils arrivent, goutte à goutte, filtrés, depuis l'univers que chacun de nous porte en lui, sans doute déformés, mais y a-t-il quoi que ce soit qui ne l’est pas, y a-t-il quoi que ce soit qui ne se transforme pas, je t’aime aujourd’hui, demain, je te hais – celui qui ne change pas ment au monde.»
Jens le postier et le gamin ont failli ne pas sortir vivants de cette tempête de neige, quelque part dans le nord-ouest de l’Islande. Ils ont été recueillis après leur chute par le médecin du village, et le gamin, une fois de plus, a l’impression de revenir à la vie. Nous sommes au mois d’avril, la glace fondue succède à la neige et au blizzard. Après avoir repris des forces et fait connaissance avec quelques habitants comme cette jeune femme à la chevelure rousse qui met en émoi le gamin, tous deux peuvent finalement reprendre le bâteau pour retrouver une autre communauté villageoise, celle de leur vie d’avant : la belle veuve Geirþrúður, farouchement indépendante, le capitaine aveugle et sa bibliothèque, puis Andrea, la femme du pêcheur Pétur qui rappelle au gamin le pouvoir des mots. Il lui a écrit une de ces lettres qui transforment un destin, l’enjoignant de quitter son mari au cœur si sec...
Conjuguant le romanesque du récit d’aventure à la poésie du roman introspectif, porté par une narration où chaque mot évoque avec justesse les grandes questions existentielles – le passage du temps, l’éveil au désir, l’espoir d’une vie meilleure – aussi bien que la réalité de l’Islande de la fin du XIXe siècle, Le cœur de l’homme nous offre une lecture tout simplement bouleversante."

vendredi 16 novembre 2012

LES BOREALES 2012

Les Boréales 2012 commencent!! 

Cet après-midi, je suis allé parler à deux groupes de lycéens de mon travail de traducteur : un enchantement! 

Deux auteurs islandais sont invités cette année au festival : Auður Ava Ólafsdóttir (Rosa Candida, L'embellie) et Árni Þórarinsson (Le temps de la sorcière, Le dresseur d'insectes, Le septième fils et L'ange du matin)

J'accompagnerai le second pour des rencontres dans plusieurs lycées de la région, avec des étudiants de l'Université et aussi un débat à la bibliothèque d'Hérouville-Saint-Clair dans le cadre les 24 heures du polar, le 30 novembre, en soirée. Du travail et surtout, du plaisir, en perspective! 

Pour ce qui est des 24 heures du polar nordique, il est fortement conseillé de réserver à la bibliothèque au 02 14 37 28 60 ou au Café des images au 02 31 45 34 70.


Ici, LE PROGRAMME DES BOREALES 2012 EN VERSION PDF




mercredi 7 novembre 2012

Actualité littéraire nantaise tournée vers le Nord ce week-end.


Jón Kalman Stefánsson et Stefán Máni sont invités au festival Impressions d'Europe à Nantes ce week-end.  J'y serai dès vendredi après-midi. 

Ici, LE PROGRAMME où vous trouverez les horaires et le menu des réjouissances. D'autres auteurs nordiques sont invités... Il n'y a pas que les Islandais...

dimanche 14 octobre 2012

Auður Ava Ólafsdóttir interwievée par Colette Fellous

A écouter, le magnifique Carnet nomade de Colette Fellous, avec Audur Ava Olafsdottir, l'auteur de Rosa Candida et de L'embellie, deux oeuvres traduites par mon amie Catherine Eyjólfsson. On y entend également Olivier Adam, écrivain, et Torfi Tulinius, professeur à l'Université de Reykjavik.

C'est ici : Carnet nomade, Voyages fugitifs. Colette Fellous.


Et là, la présentation de l'éditeur.


lundi 8 octobre 2012

Bilinguisme, double culture, littératures: Ecrire, traduire (1)

A LIRE... Le site est passionnant et ce petit texte est beau...

Bilinguisme, double culture, littératures: Ecrire, traduire (1): "Écrire ne se fait pas dans la langue, comme si elle était maternelle, donnée, mais vers la langue. Écrire n’est peut-être qu’accéder, en s’...

samedi 6 octobre 2012







Après cette longue absence estivale, je signale la parution du quatrième livre d'Arni Thorarinsson en France. C'est toujours chez la même éditrice, Anne-Marie Métailié et cela s'appelle L'ange du matin. C'est à lire absolument pour ceux qui désirent comprendre un peu mieux la situation actuelle en Islande ainsi que l'état d'esprit des Islandais, mais c'est aussi, simplement, un excellent roman que j'ai eu un grand plaisir à traduire au printemps.

Ici, la PRESENTATION DE L'EDITEUR





mercredi 4 juillet 2012

Un moment avec Jón Kalman Stefánsson avant la grande pause estivale

Le coeur de l'homme est le titre de la troisième partie de la trilogie de Jón Kalman Stefánsson. Je suis actuellement plongé dans cette traduction : Halldór Laxness dit quelque part que "Celui qui ne vit pas en poésie ne saurait survivre ici-bas". Immergé dans ce livre au rythme hypnotique, je crois que je vais survivre au mois de juillet, quel qu'il soit. Puis viendra août, et je retrouverai Arnaldur Indriðason et Erlendur pour les Editions Métailié, comme tous les ans depuis sept ans!



Voici un petit avant-goût de ce livre sublime, à paraître début 2013 dans la collection Du monde entier, chez Gallimard.

"Les étés d’Islande sont si brefs et capricieux qu’on dirait parfois qu’ils n’existent pas. Ici, il peut neiger jusqu’à mi-pente sur les montagnes en plein mois de juin, et il arrive que les oiseaux gèlent entre les touffes d’herbe dans la nuit d’août. Mais rien au monde n’est aussi lumineux et limpide que le mois de juin, les jours et les nuits se confondent, les ombres disparaissent et le ciel se teinte d’un bleu d’éternité jusqu’au milieu de la nuit. Est-ce à cause de cette lumière que temps semble infini et que les étés paraissent bien plus longs que ne l’indique le calendrier ? Aujourd’hui, nous sommes le cent-unième jour de juin, alors que l’almanach affirme que c’est le quinze du mois. Le cent-unième jour ; la clarté élargit l’espace de nos existences.

Jón Kalman Stefánsson, Hjarta Mannsins, Le coeur de l'homme, traduction française d'Eric Boury. © Editions Gallimard. Tous droits réservés. 

A tous, un bel été!



mercredi 20 juin 2012

Le Dessous des Cartes consacré à l'Islande

Intelligent, intéressant, concis et sans blabla inutile... L'histoire de l'Islande dans un mouchoir de poche! Bravo à Arte et à Jean-Christophe Victor!

Le Dessous des Cartes - videos.arte.tv

mercredi 13 juin 2012

La muraille de lave, Arnaldur Indridason



A écouter : La muraille de lave d'Arnaldur Indridason, présentée sur Cercle Polar, émission de la radio de Télérama, par Michel Abescat et Christine Ferniot. La seconde partie de l'émission est consacrée au roman de l'auteur islandais et la première, à Blondie et la mort, de Roger Smith. 


Cercle Polar # 98, Roger Smith et Arnaldur Indridason


A lire également : La critique de Michel Abescat dans le numéro papier de cette semaine.


"Huit romans plus tard, le charme est intact. Poésie noire et obsédante, maîtrise parfaite du tempo et des intrigues, dénuement du verbe, tendresse et vague à l'âme. Depuis La Cité des jarres, paru en France en 2005, l'Islandais Arnaldur Indridason déroule une œuvre parmi les plus puissantes du roman noir contemporain. Parmi les plus attachantes aussi : on ouvre chacun de ses romans comme on compose le numéro d'un ami. Pour prendre des nouvelles, renouer le fil d'une conversation. La Muraille de lave, son dernier ouvrage, ne déçoit pas. Comme à l'accoutumée, Indridason croise plusieurs histoires, une affaire de chantage particulièrement embarrassante, la disparition mystérieuse d'un banquier et le martyre sans fin d'un petit garçon. A travers ces destins, ces bribes de vie fortement incarnées, Indridason poursuit son portrait d'une Islande perturbée, enrichie en quelques décennies au prix d'un exode rural massif et d'un éclatement brutal des communautés traditionnelles. Ecrit en 2009, dans la foulée de la faillite de l'économie islandaise, ce nouveau roman évoque une nation juste avant la crise, entraînée collectivement dans la folie financière et le culte de l'argent roi. La saga d'Indridason est aussi l'oeuvre d'un moraliste.
Enfin, l'auteur, malgré son succès, sait se renouveler. Son personnage fétiche, Erlendur, flic taciturne, hanté par la disparition de son frère quand ils étaient enfants, est absent. Indridason focalise ainsi son récit sur son adjoint, Sigurdur Oli, personnage jusqu'ici sans charisme, et parvient à le rendre passionnant en dévoilant son histoire et ses failles. Nul doute qu'on ouvrira le prochain livre pour prendre aussi de ses nouvelles."

Michel Abescat - Telerama n° 3257



mardi 5 juin 2012

A voir, histoire de déguster un peu les paysages de l'Islande... cette vidéo envoyée par Eddy Gawron et conçue par Lea Amiel et Nicolas Libersalle : FRAGMENTS OF ICELAND




samedi 2 juin 2012

A écouter...




La voix de Lay alliée à un texte magnifique enjoint l'âme à prendre un peu de repos, à trouver un peu de calme... L'album Brostinn strengur dont est extrait ce morceau m'a été offert à l'automne dernier par mon ami Árni Þórarinsson alors que j'étais en Islande avec Zoé Varier. 

Je me contenterai d'une chanson pour l'instant. Ne me demandez pas la traduction. Le texte est de Hulda est d'une finesse et d'une fluidité particulièrement difficiles à rendre en français, et là, je craindrais d'altérer un moment de pure grâce en traduisant les mots un peu trop vite, par manque de temps : il faut simplement se laisser porter par la voix, la mélodie et les sons de la langue islandaise.

Lay Low, Aftansöngur

Jón Kalman Stefánsson, III

Après perturbations et contretemps aussi agaçants que multiples, je commence aujourd'hui la traduction de la troisième partie de la trilogie de Jón Kalman Stefánsson... Le livre paraîtra chez Gallimard, dans la collection Du monde entier, début 2013. 

Ce tableau intitulé "Adrift" d'Andrew Wyeth me fait irrésistiblement penser à Bárður, dont l'absence continue de hanter les jours du gamin...
 

"So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past."
 F. Scott Fitzgerald, The Great Gatsby

samedi 19 mai 2012

UN PETIT BILLET D'HUMEUR CONTRE LA POLITIQUE CLIENTELE DE LA SNCF (que j'affectionne pourtant beaucoup et depuis toujours...)

Madame, Monsieur,
J'ai acheté aujourd'hui plusieurs billets sur le site voyages-sncf.com sans trop de problèmes, si ce n'est qu'il faut à chaque nouveau billet refaire entièrement la procédure de paiement. C'est un peu fastidieux, mais bon, on y survit.
Tout à l'heure, j'avais besoin de prendre un billet Caen-Paris pour le 20 juillet et là, on ne me propose que des trains avec correspondance par Rennes (71€40 et 5H34 de voyage) ou par Rouen (38€40 et 3H25 de voyage) alors que la ligne Paris-Caen existe - si, si, je vous assure, je le sais pour l'avoir prise un certain nombre de fois. J'ai tenté à cinq ou six reprises de refaire la manoeuvre avec à chaque fois le même résultat...
Un peu agacé, j'ai ensuite essayé de joindre la gare de Caen... Le numéro figurant dans l'annuaire électronique des pages jaunes, élégamment surtaxé à 0,34 centimes d'euros la minute ressemble franchement à une plaisanterie : impossible d'avoir une VRAIE PERSONNE au bout du fil, même en payant, et assez cher. Je serais ravi que vous puissiez transmettre ces quelques observations aux têtes pensantes qui conçoivent le site de la SNCF. Je trouve tout bonnement insupportable d'être confronté à cette politique de relation clientèle tout à fait désastreuse. J'ai toujours préféré le train et, comme le disait jadis, votre slogan : Avec la SNCF, tout est possible! (Le slogan a d'ailleurs été réutilisé plus tard par certains qui nous ont montré que, franchement, tout l'était!) Je crois que je vais opter pour polluer un peu plus notre jolie planète en me rendant à Paris en voiture (2H30 par la route) plutôt que de payer une somme astronomique en passant par Rennes ou Rouen... Tiens, il est étrange qu'on ne me propose pas de passer par Marseille ou par Moscou.
Je me souviens avec une certaine nostalgie de l'époque antédiluvienne où Internet n'existait pas, je dis bien, une certaine nostalgie car Internet peut être un outil merveilleux. A cette époque, j'appelais parfois la gare de ma ville pour avoir les horaires des trains qu'un homme ou une femme avec un petit accent du sud de la France me débitait sans rechigner. C'est vrai, cela prend du temps, ça coûte de l'argent, mais c'est cela, une société HUMAINE! Et les gens veulent vivre avec des gens, pas avec des robots et des voix stéréotypées, fussent-elles élégantes...
Je publie cette lettre aujourd'hui sur mon blog qui n'a rien à voir avec la SNCF, mais avec la littérature et espère que mon agacement ne vous aura pas trop perturbé. En tant que personne, j'aime avoir des relations avec des personnes et non avec des voix féminines plutôt jolies mais un peu plates, enregistrées sur répondeur et surtout, en tant qu'USAGER et NON, client, comme il est à la mode de le dire, j'aime savoir que je peux compter sur les trains français pour me conduire à destination sans me balader à travers la France voire l'Europe entière - entendez-moi bien, je n'ai rien contre les voyages, loin de là, mais tout de même, il faut rester raisonnable. 
Bien cordialement,
Eric Boury


René Char, Lettera amorosa

Pour changer un peu de la littérature islandaise... Ce week-end, ultime relecture de Deuil de Guðbergur Bergsson, livre magnifique, rude, âpre, mais essentiel à paraître chez Anne-Marie Métailié au début 2013, quelques corrections de copies, organisation de l'été pour la famille et, pour se reposer et rêver un peu, quelques mots avec René Char : 
"Parfois j'imagine qu'il serait bon de se noyer à la surface d'un étang où nulle barque ne s'aventurerait. Ensuite, ressusciter dans le courant d'un vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient.
Nos paroles sont lentes à nous parvenir, comme si elles contenaient, séparées, une sève suffisante pour rester closes tout un hiver ; ou mieux, comme si, à chaque extrémité de la silencieuse distance, se mettant en joue, il leur était interdit de s'élancer et de se joindre. Notre voix court de l'un à l'autre ; mais chaque avenue, chaque treille, chaque fourré la tire à lui, la retient, l'interroge. Tout est prétexte à la ralentir.
Souvent, je ne parle que pour toi, afin que la terre m'oublie.
Ce n'est pas simple de rester hissé sur la vague du courage quand on suit du regard quelque oiseau volant au déclin du jour."

Lettera amorosa
. René Char
Illustrations de Georges Braque et Jean Arp
Poésie/Gallimard.

mardi 8 mai 2012





Il y a une semaine, le nouvel opus d'Arnaldur est sorti en librairie. Plongé dans ma traduction du moment - le prochain livre d'Árni Þórarinsson est une merveille - j'ai négligé d'alimenter mon blog. Voici quelques petites choses pour les amateurs d'Arnaldur : 


Ici, un article bel de Sabrina Champenois dans Libération :  

Le point fjord, par Sabrina Champenois de Libération


Là,  un cercle Polar islandais enregistré au festival Quais du Polar à Lyon. Christine Ferniot et Michel Abescat reçoivent l'écrivain Arnaldur Indridason  - traducteur, Eric Boury.  


Et là, une rareté, une interview filmée d'Arnaldur qui n'accepte que très rarement ce genre de chose :





 
Et là, un article de Philippe Lemaire sur le blog polars du Parisien :

La muraille de lave par Philippe Lemaire



mercredi 4 avril 2012

Sous la plume de Sabrina Champenois et de Philippe Lançon

Un Article de Libération intitulé Michael Connelly, de L.A. à Lyon, où il est beaucoup question de polars américains et un peu aussi d'Arnaldur Indriðason,  l'unique islandais présent au festival Quais de Polar à Lyon, du 30 mars au 2 avril. Je l'accompagnais, j'ai eu grand plaisir à retrouver notre vieille complicité... La photo a été prise par Valérie Guiter, des Editions Métailié.

lundi 2 avril 2012

Une critique de Noir Karma de Stefán Mani par Jean-Marc Laherrère

Stefán Máni par Jean-Marc Laherrère : Le bad boy du polar islandais

"Ceux qui croyaient connaître le polar scandinave en général, et le polar islandais en particulier à partir d’Indridason et Thorarinson (excellents au demeurant) avaient pris une grosse douche froide en découvrant Noir océan de Stefán Máni. Une douche froide et salée … Ceux d’entre vous qui sont prêts à prendre la deuxième couche peuvent se plonger dans Noir karma, le second roman traduit de cet islandais pour le moins étonnant. 
 
 
Mani
Stefán a débarqué à Reykjavík depuis sa province avec son appareil photo et l’ambition de devenir photographe de groupes de rock. Il se retrouve barman au Blúsbar, un rade pas vraiment flamboyant. Heureusement pour ses finances le videur de ce bouge trafique et le met rapidement au parfum. Tout va pour le mieux, jusqu’à ce que ses employeurs commencent à avoir des ambitions, et décident de provoquer le caïd de la ville. C’est alors l’enfer se déchaine. 

Ceux qui ont donc découvert Stefán Máni avec Noir océan se doutent que ce n’est pas à une bluette qu’il nous invite ici.  

Au son d’une BO fracassante (AC/DC y fait figure de groupe de balades sentimentales), pied au plancher, le lecteur plonge avec le narrateur, un brin naïf, dans un tourbillon de drogue, de violence et de mort. Os et têtes fracassés, tabassages en tous genre, mutilations … ça saigne, ça cogne, ça hurle, sa baise à tout va pendant presque 600 pages.

On pourrait se lasser. Il n’en est rien. L’énergie phénoménale de l’écriture, les truands tellement bêtes et tellement méchants, et l’humour grinçant dû au regard décalé d’un narrateur plutôt crétin mais pas aussi gentil qu’on peut le croire au début, font qu’on ne voit pas le temps passer et qu’on en redemanderait bien une louche.

Comme dans son précédent roman, Stefán Máni jongle en virtuose avec les temps du récit, campe des affreux particulièrement réussis et nous plonge dans un maelstrom de violence et de bêtise. Il ajoute ici l’humour, retire le soupçon de fantastique qui en avait peut-être gêné quelques-uns dans le premier roman, mais garde son talent pour les fins bien abominables …

En bref, ça secoue et c’est bon." Jean-Marc Laherrère

Stefán Máni / Noir karma (Svartur á leik, 2004), Série Noire (2012), traduit de l’islandais par Eric Boury.

mardi 13 mars 2012

Noir Karma de Stefán Máni

Le 8 mars est paru chez Gallimard, dans la Série Noire, le nouveau livre de Stefán Máni, intitulé Noir Karma (Svartur á leik). L'oeuvre porte bien son nom, le lecteur se voit plongé dans un univers noir à souhait où pouvoir, sexe, drogue et rock'n roll mènent la danse. Sombre, très sombre, parfois drôle, mais finalement tragique.


Voici ce qu'en dit la quatrième de couverture : "Bienvenue dans les bas-fonds de Reykjavík, là où le soleil ne brille jamais ! Suivez les aventures malheureuses de Stefán ! À peine débarqué de sa cambrousse, notre jeune bouseux commence péniblement à gagner sa vie dans un club mal famé de la capitale islandaise. Heureusement pour lui, les malfrats qui gèrent les lieux découvrent ses talents de conducteur et l'enrôlent dans leur bande. Au programme : vols de voitures de luxe, extorsions de fonds, prostitution, deal de substances illicites. Tout y passe...
Pour Stefán, c'est la grande vie qui commence. Du moins le croit-il... Mais quand ses boss décident de partir en guerre contre une bande adverse, c'est une violence sans retenue qui s'abat sur Reykjavík. Tandis que les morts se ramassent à la pelle et que tous sont à la recherche d'un kilo de cocaïne mystérieusement disparu, notre héros commence à regretter ses décisions et à se dire que tout va beaucoup trop vite. Hélas, Stefán est pris jusqu'au cou dans ce fatal engrenage, et il est des choix qu'il faut assumer, jusqu'au bout s'il le faut..."



Je tiens également à signaler la parution en Folio Policier de son précédent livre, Noir Océan (Skipið), qui a reçu un accueil critique très positif.


Voici la présentation de la quatrième de couverture : "De lourds nuages noirs s'amoncellent dans le ciel zébré d'éclairs au moment où le Per se quitte le port de Grundartangi en Islande en direction du Surinam. À son bord, neuf membres d'équipage qui, tous, semblent avoir emporté dans leurs bagages des secrets peu reluisants.
Ceux qui ont entendu dire que la compagnie de fret allait les licencier et qu'il s'agit là de leur dernier voyage sont bien décidés à prendre les choses en main, une fois que la météo sera plus favorable. La mutinerie n'est pas loin et, très vite, l'atmosphère se charge de suspicion, de menaces et d'hostilité.
Quand les communications sont coupées par l'un des membres de l'équipage – mais lequel ? –, la folie prend peu à peu le contrôle du bateau qui n'en finit pas de dériver vers des mers toujours plus froides et inhospitalières..."

samedi 3 mars 2012

Dernière émission de la série consacrée à l'Islande sur France Inter par Zoé Varier

Hier, vendredi 2 mars, la dernière émission que Zoé Varier a consacré à l'Islande était diffusée sur France Inter. Elle et moi étions à Vík, dans le sud du pays. Il y a toujours une forme de tristesse quand quelque chose s'achève, mais Zoé et moi nous sommes promis d'y retourner d'ici quelques années pour faire une autre série. Cette dernière fois n'est donc sans doute pas vraiment la dernière fois : elle ne l'est et ne le sera que pour un certain temps, un temps indéterminé.

Nous autres de Zoé Varier : Islande, au pied des volcans.


Nous avons marché là, sur la plage noire, en écoutant le bruit des vagues...

vendredi 17 février 2012

Réponse à Danielle Cusin

Danielle Cusin a dit…
SVP, dites-moi si le troisième volet de la trilogie de Stefansson va être publié. Je ne sais pas quoi de ses héros qui tombent sur une surface dur et pour qui le monde s'éteint.  OUI, Danielle, évidemment qu'il le sera, je vais le traduire à la fin du printemps, je dois rendre le manuscrit à la mi-juillet et il sera publié au début de l'année 2013, toujours dans la collection Du Monde Entier, chez Gallimard! Je ne peux pas vous en dire plus pour l'instant, mais je signalerai évidemment la parution ici...

jeudi 9 février 2012

La traduction : frontières et limites

Vous lirez ci-dessous un article que j'ai rédigé en décembre dernier pour la revue Hieronymus, le bulletin trimestriel de l'Association Suisse des Traducteurs et Terminologues. Le thème était : Traduction : frontières et limites. 



La traduction : frontières et limites

Sans doute n’est-il que peu de choses qui soient plus agaçantes – et passionnantes – pour les traducteurs que certaines questions qui surgissent presque immanquablement à chaque fois que la discussion s’oriente sur leur activité. L’une de ces interrogations obligées et toujours quelque peu inquiétantes porte sur le degré de fidélité de l’œuvre traduite par rapport au texte original, le traducteur étant souvent, dans une certaine mesure, soupçonné de trahir – au moins partiellement – une œuvre que, par son travail et ses tentatives d’apprivoisement, il ouvre aux locuteurs de sa langue.
 

La tâche du traducteur et quelques-uns de ses paradoxes : s’éloigner pour mieux s’approcher
 

Le travail du traducteur consiste à transmettre une œuvre étrangère sans la dénaturer tout en la coulant dans le moule de sa propre culture. Ainsi énoncée, la tâche semble d’une déconcertante simplicité : vous prenez une pâte, vous la coulez dans un moule que vous enfournez, puis laissez cuire le tout et, le temps de cuisson écoulé, il n’y a plus qu’à déguster. C’est prêt ! Mais voilà, les choses ne sont pas si simples. La pâte une fois cuite n’aura plus le même goût que lorsqu’elle était crue ; or, dans le processus de traduction, il importe à la fois que le texte écrit dans la langue cible soit lisible et qu’il entretienne le plus grand nombre possible de correspondances et de résonnances avec le texte source. La métaphore culinaire est donc nulle et non avenue pour décrire le processus de traduction.
Le traducteur honnête – gageons que la plupart le sont – doit efforcer de transformer l’œuvre originale sans trop la déformer afin d’en donner à lire dans sa langue une réplique presque exacte. En ce sens, il est un passeur de mondes, il permet effectivement à ceux qui parlent sa langue et ne maîtrisent pas l’autre de franchir des frontières. Il leur ouvre de nouveaux espaces en réécrivant l’œuvre, en devenant lui-même, pour un temps, un double de l’auteur. Le traducteur est un auteur qui réécrit un texte qui n’est pas du tout le sien et en même temps entièrement le sien le temps que dure le processus de la traduction.
 

Tout cela est bien beau et j’ai l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en l’énonçant. Bien beau, mais pas si simple, et pas très rassurant, j’en conviens. Vous remarquerez que je m’entoure de précautions qui ne sont pas seulement rhétoriques ou attesteraient d’une humilité feinte de ma part. Les propos que je viens de tenir sont fortement modalisés et modérés. Non parce que je serais naturellement humble, mais parce qu’en tant que traducteur, on n’a d’autre choix que l’humilité et le courage face aux textes et aux mots qu’on doit transposer, exporter, redire dans notre langue. Notez que je ne parle pas d’identité entre l’œuvre originale et sa traduction, mais de grandes ressemblances, de correspondances, de résonnances multiples, de parenté proche. Et si je procède ainsi c’est parce que ma pratique pour ainsi dire quotidienne de l’exercice à la fois vicieux et vivifiant qu’est la traduction littéraire m’a conduit à reconnaître qu’il ne saurait exister d’identité parfaite quand il s’agit de dire dans une langue ce qui a été énoncé dans une autre. Il y a à cela un certain nombre de raisons.
 

« Langue » égal « culture »
 

Chaque langue possède son fonctionnement propre, sa morphologie, sa phonologie particulière, sa vision du monde et sa manière de découper, d’agencer le réel. Chaque langue possède ses tournures idiomatiques, ses expressions propres, ses proverbes, sa culture. Il n’existe pas de langue naturelle qui ne soit l’expression de la culture et de l’environnement de ses locuteurs et j’entends évidemment le mot culture au sens le plus large. C’est justement là que surgissent les difficultés : comment transférer tout cela sans le dénaturer et sans le perdre complètement ? Tout traducteur qui n’est pas tombé de la dernière pluie sait au fond de lui qu’il ne parviendra jamais à imiter parfaitement le texte pour les raisons que je viens d’avancer : la fidélité est son intention générale, mais elle ne restera toujours qu’une visée, un point vers lequel il tend, sans jamais l’atteindre vraiment, ce qui ne l’empêchera pas de s’en approcher, parfois avec bonheur. Jamais, par exemple, il ne parviendra à imiter la prosodie de la langue source dans la langue cible, le faire reviendrait simplement à ne pas traduire.
 

La tentation du renoncement
 

Le traducteur pourrait décréter que, tout texte étant foncièrement intraduisible, il renonce à son activité. Il pourrait rester assis dans son coin à côté d’un radiateur à regarder pousser ses ongles et à se transformer peu à peu en statue. Il pourrait opter pour l’inaction, pour l’égoïsme : après tout, il connaît la langue dans laquelle a été écrit le bijou qu’il vient de lire et, si ses compatriotes veulent accéder à cette merveille, qu’ils aillent apprendre le chinois, l’islandais, le groenlandais, l’italien du XIIIe siècle ! Car ne risque-t-il pas de détruire le texte qu’il trouve si beau en le traduisant, nécessairement imparfaitement ? Ne risque-t-il pas d’y greffer des choses qui n’y sont pas dites explicitement en se voyant forcé de préciser un peu, par endroits, la pensée ou les propos de l’auteur ? Ne risque-t-il pas de castrer le texte en se voyant contraint de faire le deuil définitif d’une formule magnifique dans la langue source, mais qui tombe comme un cheveu sur une soupe glauque et fade dans sa langue à lui ? Ne risque-t-il pas, par amour de la langue source qu’il connaît intimement et qui résonne en lui presque comme si elle était la sienne, de vouloir forcer sa langue maternelle à accepter des tournures à la limite du compréhensible, s’attirant ainsi les foudres des lecteurs, des universitaires, des académiciens, de ses confrères ? Ses intentions louables et son désir de partager l’œuvre avec ses compatriotes ne risquent-ils pas de le mettre au pilori ? Allons, allons, mieux vaut opter pour la chaleur douce et rassurante du radiateur… Certes, certes…
 

Négociation et témérité
 

Mais alors ? Adieu Dostoïevski, Virginia Woolf, Shakespeare, Laxness et tous les autres ? Adieu à la littérature mondiale et vive le repli sur soi ? S’il existe sur terre une grande diversité de langues et de cultures, il existe également une chose commune à tous les hommes : l’expérience humaine et la faculté de langage. C’est sur le terreau de cette universalité que peut naître la traduction qui permet de faire franchir à des textes toutes les frontières, sur le terreau de cette universalité et aussi du deuil partiel que je viens de mentionner. Le traducteur incapable de s’accommoder des pertes ne peut exercer ce métier. Il lui faut également composer avec d’autres contraintes. Sa traduction doit non seulement être la plus fidèle possible au texte source, mais il convient en outre qu’elle respecte les exigences relatives à la langue cible. Une traduction trop littérale, qui calquerait le texte original, menacerait la compréhension – la cause est largement entendue. Elle risquerait également d’être simplement affreuse dans la langue cible. Voilà pourquoi, en plus de faire le deuil de certaines choses, le traducteur doit s’efforcer de produire un texte qui réponde également aux critères esthétiques de sa langue afin que l’œuvre puisse être lue par ceux pour lesquels il la traduit.
 

Quelques exemples importés d’Islande
 

Je voudrais maintenant illustrer mon propos à l’aide d’un problème auquel j’ai été confronté assez récemment. Je devais traduire en français le livre intitulé Himnaríki og helvíti de l’Islandais Jón Kalman Stefánsson. Mot à mot, le titre se traduirait par « Le paradis et l’enfer ». Le premier problème est que le mot « helvíti » fait effectivement référence à l’enfer en islandais, mais qu’il est aussi un juron fréquemment utilisé, et qui pourrait se traduire par « merde ! », plutôt que par « Enfer ! », lequel serait ridicule pour les Français, eux qui sourient déjà au tabernacle et au Christ de leurs cousins québécois. Le mot est d’ailleurs utilisé plusieurs fois par l’un des personnages centraux en un moment crucial de l’œuvre, passage dans lequel je l’ai justement traduit par « Merde, merde, merde ! » La question du titre s’est donc posée à moi de façon aiguë. Fallait-il privilégier le juron et proposer à l’éditeur : « Le paradis et la merde » ou, mieux encore, « Le paradis et merde » !? Le problème était que ce titre ne correspondait pas, loin s’en faut, au ton du texte, lequel est une absolue merveille de finesse et de poésie : on touche donc là aux limites de la traduction. Et ce texte, que décrit-il ? La vie de marins à la toute fin du XIXe siècle, de marins coincés quelque part sur terre. Deux d’entre eux aspirent particulièrement au ciel, sont mus par une soif d’absolu, et la seule manière qu’ils ont de l’approcher consiste à lire de la poésie, encore et encore. Où sont-ils ? En Islande, ils pourraient presque être n’importe où : ils sont deux hommes, quelque part… Quelque part entre ciel et terre et cet Entre ciel et terre est devenu le titre du roman parce qu’aucune des autres solutions n’était envisageable pour des raisons précises que je ne développerai pas ici afin de ne pas être trop long, mais qui tiennent toutes aux limites que le bon sens nous impose afin de ne pas froisser l’oreille du lecteur francophone et de ne pas dénaturer complètement l’original en saccageant la langue hautement poétique de Jón Kalman dès le titre.
Le second problème auquel j’ai été confronté était le titre de la première partie, lui aussi très poétique en islandais : « Við erum nærri því myrkur ». La traduction la plus proche de cette formule lapidaire et ascensionnelle serait la suivante : « Nous ne sommes presque que ténèbres ». Le défaut de cette formule en français est qu’elle propose une répétition très malvenue de sonorités qui se rapprochent d’un bégaiement avec ce « presque que ». Ce sont les premiers mots d’un texte d’une beauté fulgurante et je dois avouer que le traducteur qui se contenterait de cette solution serait à mon avis bien mal engagé sur la voie de la poésie. Or, quel est le canon absolu de la poésie en langue française ? Le vers et, de préférence, l’alexandrin : son rythme me semble ancré au plus profond des Français qui ont tous appris à l’école primaire des poésies en vers. Lecteur et admirateur de René Char, je ne suis pas conservateur au point de refuser de faire droit à l’impair cher à Verlaine ou à la poésie en prose, mais là, si le traducteur le peut, ne devrait-il pas s’accorder les coudées franches et composer un alexandrin ? Une phrase fluide avec une belle allitération, deux hémistiches bien pesés et le tour est joué, tout cela, dans le strict respect, non de « la lettre qui tue, mais de l’esprit qui vivifie », disait Voltaire. Alors voici : « Nous sommes presque uniquement constitués de ténèbres ». Peut-on considérer ici qu’on a franchi une limite, qu’on a forcé le texte à dire ce qu’il ne dit pas, qu’on l’a « surtraduit », qu’on lui a donné une qualité qu’il n’avait pas au départ ? Oui et non, mais bien plus non que oui. A cet endroit du texte islandais, la poésie ne nait pas de la forme, mais de l’idée exprimée par les mots et de la simplicité de la formule. Cela dit, la beauté est bien présente : n’importe quel Islandais qui lit ces mots ne peut que se réjouir et, comme la première traduction française avec le « presque que » écorche l’oreille, le traducteur n’a d’autre choix que d’opter pour la seconde et pour l’alexandrin. Je réfute d’avance l’argument selon lequel cette phrase serait le signe que le lecteur est en présence d’une belle infidèle : le texte islandais est beau, le texte français doit également satisfaire à cette exigence et il faut pour cela recourir à un ensemble de moyens, justifiés par la fin…

Prolixité d’une langue et pauvreté d’une autre pour décrire certains pans du réel
 

Et si maintenant nous parlions un peu de neige… C’est passionnant, la neige, c’est joli à regarder depuis sa fenêtre, les flocons, petits ou gros, les bourrasques qui forment parfois comme des rideaux et qui semblent balayer les rues ou dévaler les pentes des montagnes, les amas de neige gelée, les congères, le manteau blanc qui scintille et toutes ces jolies images. Cependant, quand on est francophone et qu’on veut vraiment la décrire avec précision : texture, grain, forme, température, état plus ou moins solide, plus ou moins liquéfié, il vaut mieux prendre quelques cours de langues nordiques. Jón Kalman Stefánsson, en bon Islandais, ne manque pas de vocabulaire pour décrire les phénomènes atmosphériques et le petit jeu littéraire auquel je viens de me livrer plus haut est un essai de traduction de mots qu’il utilise pour décrire la neige, laquelle occupe une grande place, presque deux cents pages dans le livre La tristesse des Anges, Harmur englanna, titre que j’ai cette fois-ci, traduit de manière littérale puisqu’il est aussi beau en islandais qu’en français sans transformations ni aménagements autres que celui de la traduction mot à mot. La neige ne manque pas en Islande et dans les pays nordiques et là où la langue française ne dispose que de quelques termes, l’islandais est d’une richesse qui n’a rien d’étonnant. On a ainsi : « snjór », « skafrenningur », « krapi », « slydda », « hríð », « fönn », « mjöll », « föl », « stórhríð », « neðanbylur » et « skafl ». Contentons-nous de cette petite mise en bouche et disons simplement que tous ces termes réfèrent à la neige en mettant l’accent sur la manière dont elle tombe – doucement, par à-coups, par bourrasques ? – sur sa consistance, sur une perception soit matérielle, soit poétique, etc. Cela signifie-t-il que les mots soient intraduisibles ? Certes non. Cela dit, le traducteur doit impérativement faire le deuil de la concision une bonne fois pour toutes et se résoudre à en passer par la périphrase. La question n’est pas de faire comprendre au lecteur qu’il neige, mais comment il neige et ce que cette neige implique pour tel ou tel personnage du livre. Le porte-t-elle à la rêverie ou risque-t-elle de sceller son destin de manière définitive en le collant au paysage telle une mouche prisonnière d’une vitre ?
 

Quand les châtaigniers font rêver ceux qui ne connaissent que la neige…
 

Supposons maintenant la difficulté à laquelle un traducteur islandais sera confronté s’il doit traduire une scène aussi banale qu’une promenade en forêt où l’on décrit divers arbres avant de faire une halte pour ramasser quelques châtaignes qu’on fera ensuite cuire dans de l’eau puis du lait comme le faisait ma grand-mère. Je souhaite bien du plaisir à mon confrère nordique : les mots désignant châtaigne et châtaignier existent bien en islandais, le problème est qu’ils ne renvoient pas à grand-chose de réel dans l’esprit de la majorité des Islandais pour la simple et bonne raison que leur terre est particulièrement pauvre en arbres et qu’il n’y pousse pas, que je sache, le moindre châtaignier. Est-ce à dire que cette scène est définitivement intraduisible ? Je ne le crois pas. Le traducteur misera ici sur les sensations éprouvées par les personnages, sur le goût de la soupe au lait et à la châtaigne, ainsi que sur l’exotisme. Le lecteur islandais qui n’a jamais voyagé n’a vécu dans sa chair ni l’expérience de cette promenade, ni ce repas pris avec sa grand-mère alors que le soir se pose sur la campagne et que l’air d’octobre fraîchit. Il sait toutefois le plaisir et le réconfort que procure le retour au foyer douillet après être resté longtemps dans le froid et alors, par la magie de la transposition des expériences, par la magie du langage et grâce à l’art du traducteur, il vit par procuration la scène dont nous parlons. La simple évocation d’un châtaignier le fera rêver. Et c’est en cela qu’on peut réellement dire qu’un traducteur abolit les frontières et repousse les limites du monde.
 

Eric Boury, décembre 2011.


dimanche 29 janvier 2012

Quelques actualités...

A écouter en podcast sur France Inter, les deux émissions de Zoé Varier sur la crise islandaise.


D'une crise à l'autre - 1 - Zoé Varier, Nous Autres


D'une crise à l'autre - 2 - Zoé Varier, Nous Autres

Dans le magazine Géo du mois de février, un article sur le polar islandais auquel j'ai travaillé en décembre...

Et en ce moment, traduction intensive de Deuil de Guðbergur Bergsson, livre magnifique d'un écrivain tout aussi magnifique!