jeudi 25 février 2010

Entre ciel et terre, Jón Kalman Stefánsson : critique...

Ah, on me signale une jolie critique d'Entre ciel et terre sur le site : A saut et à gambades (en deuxième position après le billet sur L'énigme du retour de Dany Laferrière). Merci à la personne qui l'a écrite.

http://asautsetagambades.hautetfort.com/

mercredi 24 février 2010

Article de Martine Laval sur Hypothermie dans Télérama

http://www.telerama.fr/livres/hypothermie,52910.php

Roman noir

La facilité serait de croire que l'on sait tout de l'Islande, ses mystères, ses horreurs, tout sur Erlendur, flic et personnage récurrent d'Arnaldur ­Indridason. Naïvement, on pense entrer un peu comme chez soi, en terrain connu, dans ce sixième roman du chef de file du polar islandais. Erreur. On est vite happé par une sourde mélancolie, une poisse tracée à l'encre gelée, de celle qui ravive des meurtrissures enfouies depuis trop longtemps. Plus sage que La Cité des jarres (2005), moins bouleversant que La Femme en vert (2006), mais tout aussi impérieux, Hypothermie met en scène un Erlendur presque nouveau, plus fragile que jamais. Ereinté par les mauvais souvenirs (il porte son enfance et la disparition de son jeune frère comme un fardeau), accablé par ses échecs personnels (mauvais mari, piètre père), Erlendur voudrait se reposer - oublier -, il en est incapable. Une fois de plus, il va affronter de vieux démons, chercher une vérité qui se dérobe, découvrir ce que l'Is­lande porte en elle depuis la nuit des temps et qui l'empêche, lui, de dormir : des histoires de naufrages, d'hommes disparus dans des gouffres blancs, d'âmes tourmentées, d'esprits maléfiques, de fantômes réclamant justice.

Notre bon flic, seul contre tous, se met à enquêter sur la mort d'une femme retrouvée pendue. Les conclusions de ses confrères se résument en un mot : suicide. Lui ne peut s'en contenter. Arnaldur ­Indridason écrit le chaud et le froid, les amours déchues, les errances métaphysiques, la culpabilité, l'impossible deuil, et donne encore et toujours le frisson avec Hypothermie, roman des ténèbres.

Martine Laval Telerama n° 3137 - 27 février 2010

dimanche 21 février 2010

Entre ciel et terre, Jón Kalman Stefánsson

Un très bel article paru dans Livres-Hebdo, à propos d'Entre ciel et terre. Cela fait plaisir de voir un livre qu'on aime être aimé par ceux qui le lisent...


lundi 15 février 2010

Entre ciel et terre, Jón Kalman Stefánsson : Une lecture essentielle, une merveille de poésie et de vérité, un texte fulgurant.



ENTRE CIEL ET TERRE
Jón Kalman Stefánsson
A paraître chez Gallimard – Du monde entier – le 18 février.


Le livre s’ouvre sur un alexandrin esseulé au centre de la page blanche : « Nous sommes presque uniquement constitués de ténèbres ».

Ces mots nous plongent d’emblée dans un monde méditatif, celui, nocturne, du rêve, du cauchemar peut-être, tout en nous renvoyant à ce que nous abritons de gouffres, de passions, de secrets, de terreurs, de tristesses, lesquels ne sauraient supporter la pleine lumière. Justement, il y a aussi dans cette phrase la lumière, qui brille par son absence, mais qui éclaire tout de même faiblement. Derrière ce qui n’est pas dit, dans l’espace ménagé par ce « presque uniquement » vient se lover, en creux, ce qui ne participe pas de notre ombre : la poésie, l’écriture, le soleil, la chaleur, l’amour ou l’amitié et aussi, tout ce qui est fragile, infime et éphémère, mais subtil et essentiel, simplement parce que nous sommes et qu’un jour, ceux qui nous survivront pourront dire de nous « ils furent » ou bien « je me souviens de lui, je me souviens d’elle ».

Jón Kalman Stefánsson laisse aux défunts le soin de nous conter ce récit. „C‘était en ces années où, probablement, nous étions encore vivants“. Ici, les morts prennent la plume pour nous parler d’autres défunts dont le sort fut tragique et dont ils se souviennent. Ceux qui n’étaient plus que des noms sur des tombes reviennent alors à la lumière, les moments engloutis remontent à la surface et, par la magie du verbe, deviennent éternité : ils se prolongent par-delà la mort et l’oubli en une longue anamnèse. Puisque les écrits restent, il est urgent de consigner les événements, de décrire ceux qui vécurent, de rappeler ce qui advint, de partir à la recherche du temps perdu, de se mettre en route pour arracher à l’oubli les existences de ces hommes :

« Les mots ont parfois le pouvoir des trolls et ils sont capables d’abattre les dieux, ils peuvent sauver des vies et les anéantir. Les mots sont des flèches, des balles de fusil, des oiseaux légendaires lancés à la poursuite des héros, les mots sont des poissons immémoriaux qui découvrent un secret terrifiant au fond de l’abîme, ils sont un filet assez ample pour attraper le monde et embrasser les cieux, mais parfois, ils ne sont rien, des guenilles usées, transpercées par le froid, des forteresses caduques que la mort et le malheur piétinent sans effort.
Les mots sont cependant tout ce que le gamin possède. A part les lettres de sa mère, un pantalon de grosse toile, ses vêtements de laine, trois livres peu épais ou plutôt des fascicules qu’il a emportés avec lui en quittant le baraquement, des bottes de mer et de mauvaises chaussures. Les mots sont ses compagnons les plus dévoués et ses amis les plus fidèles, ils se révèlent pourtant inutiles au moment où il en aurait le plus besoin. »

Jón Kalman nous livre une lancinante, une poignante élégie où chaque mot est à sa place, un texte qu’il faut lire avec la lenteur et le recueillement nécessaires. Une œuvre hautement littéraire qui s’interroge sur le pouvoir – parfois dérisoire – du langage et nous interpelle sur le sens de la vie tout en nous rappelant l’inéluctabilité de la mort ainsi que l’absolue nécessité des rêves et de l’espoir. Qu’y a-t-il entre ciel et terre ?

Il y a un absolu dérisoire. Il y a nous, quelque part entre le paradis et l’enfer, comme le suggère le titre original de l’œuvre, Himnaríki og helvíti, quelque part au centre de l’éternité. A chaque moment, nous sommes au centre de l’éternité. Il y a nous, ici et maintenant, toujours et partout : notre vie, nos souffrances, nos joies, nos rêves, nos espoirs et notre irréductible solitude. Et il y a ce combat si parfaitement décrit par la marche – certes, pas uniquement métaphorique – exposée au début du livre, qu’il vaut mieux laisser la parole à l’auteur :

„Ils avancent à vive allure – juvéniles jambes, feu qui flambe – livrant également contre les ténèbres une course tout à fait bienvenue puisque l’existence humaine se résume à une course contre la noirceur du monde, les traîtrises, la cruauté, la lâcheté, une course qui paraît si souvent tellement désespérée, mais que nous livrons tout de même tant que l’espoir subsiste. C’est pourtant d’une simple marche que Bárður et le gamin ont l’intention de se délester des ténèbres ou de l’obscurité du ciel pour arriver avant elles aux baraquements des pêcheurs. Parfois, ils marchent de front et c’est beaucoup mieux parce que des traces de pas posées les unes à côté des autres sont preuve de connivence et qu’alors, la vie n’est pas aussi solitaire.“


Oui, le combat est perdu d’avance, mais nous sommes ces juvéniles jambes, ce feu qui flambe jusqu’à notre dernier souffle et nous tentons d’en oublier l’issue inéluctable par cette marche, cette course, cette fuite avec parfois, quelqu’un à nos côtés, une personne qui nous accompagne, une main amie, véritablement amie, qui nous rassure alors que nous sommes plongés dans le noir et le froid, une personne que nous rassurons de même. « Nous devons prendre soin de ceux qui nous sont chers et à qui nous le sommes ».

Et quelles sont ces deux silhouettes qui marchent ainsi vers les baraquements des pêcheurs au début du livre ? Ce sont simplement un gamin et Bárður, le premier demeurera anonyme jusqu’au terme de l’œuvre. Il n’a plus rien, ni père, ni mère, ni petite sœur, il ne lui reste qu’un frère qui vit, si loin, de l’autre côté de la montagne : c’est un anonyme, vous, moi peut-être ? Heureusement, il a Bárður, son seul ami, presque un père. Bárður est marié, sa femme, Sigríður est restée à la ferme et elle lui manque terriblement sans que, jamais il ne le dise autrement que par des chemins détournés, ceux de la poésie. Intoxiqué de lecture, il lit de tout – surtout de la poésie, d’ailleurs – et transmet cet amour de la langue au gamin avec passion et patience, par-là, il lui apprend simplement à aimer, à espérer. Mais voilà, Bárður lit trop et, un matin, alors qu’il se plonge encore une fois dans un extrait du Paradis perdu, il oublie sa vareuse de peau au baraquement des pêcheurs avant de sortir en mer sur une barque non pontée avec le gamin et les autres membres de l’équipage. C’est le matin :

« Douce est la brise matinale, douce l’arrivée du jour, la suivent les notes mélodieuses, des oiseaux tôt levés, qui l’oreille enchantent. Nulle chose ne m’est plaisir en dehors de toi. »

Qui a écrit cela ? Milton. Qui le lit ? Qui le dit ? Bárður, pas en anglais ni en français, mais en islandais, dans la traduction de Jón Þorláksson, laquelle est d’une telle qualité que les Islandais affirment que, parfois, elle dépasse l’original et que, peut-être, son style a influencé l’immense Jónas Hallgrímsson, le poète romantique. Notons que ces phrases sont parfaitement intégrées à la prose de Jón Kalman, aucun signe de ponctuation ne nous indique à ce moment-là que nous sommes chez Milton. Est-ce une façon de dire que la poésie peut surgir à tout instant, nous surprendre et nous inonder l’âme en tout lieu ? Sans doute. Mais nous sommes aussi ici dans la thématique de la transmission, de la filiation, du lien, de l’héritage, autant génétique que littéraire. Qu’est-ce que la littérature ? Des mots qui créent un lien. Religare, religion.

Si une œuvre littéraire est capable de changer notre vie, de modifier notre vision du monde, de nous faire rêver, espérer, réfléchir, rire ou pleurer, c’est qu’elle est de qualité. Entre ciel et terre appartient indubitablement à la grande littérature, à celle qui nous tend cette main amie et nous aide à vivre en nous indiquant dans quelle direction chercher la lumière et comment nous délester des ténèbres. Jón Kalman Stefánsson nous raconte une histoire sublime et limpide : il nous dépeint la vie d’un village des Fjords de l’Ouest. Cela se passe en Islande, au dix-neuvième siècle, c’est triste, c’est drôle, c’est beau. Son texte est sensible, riche, miroitant et profond comme la mer ; il touche le cœur autant que l’intellect. Certes, nous pleurons à la lecture de certains passages, mais ces larmes sont une grâce – et en basse, l’auteur nous murmure des mots qui consolent, il nous confie des fragments de lumière, à nous tous qui, un jour, serons presque uniquement constitués de ténèbres. Tandis que nous avançons vers la nuit, il nous accompagne, nous ramène à l’essentiel : son souffle nous porte ; il nous exhorte à vivre – avec ivresse.

Eric Boury

samedi 13 février 2010

vendredi 12 février 2010

Interview d'Arnaldur Indriðason par William Irigoyen

Les liens qui suivent vous mèneront vers le blog de William Irigoyen, le présentateur d'Arte Journal - 19 h - que j'ai eu le plaisir de rencontrer ce week-end à Paris où il a interviewé Arnaldur. On trouve sur son blog le résumé des livres jusqu'ici publiés en français ainsi que l'interview en audio, vers le bas de la page.


http://blogs.arte.tv/Le_poing_et_la_plume/frontUser.do?method=getHomePage




Et aussi :
Un article paru dans Libération (11.02.2010) sous la plume de Sabrina Champenois qui nous parle d'Hypothermie d'Arnaldur. Dans le classement paru dans l'édition du même jour, le livre figure en tête des ventes. Not bad, Mr. Indriðason.

http://www.liberation.fr/livres/0101618579-corps-volatils

mercredi 10 février 2010

mardi 9 février 2010

Entre ciel et terre, Jón Kalman Stefánsson


"Nous sommes presque uniquement constitués de ténèbres."

Ainsi commence le livre dont je vous dirai prochainement quelques mots (un certain nombre de mots, car il le mérite). C'est un texte lumineux, poignant et riche qui nous parle de la vie, de la mort, de l'importance des mots, des rêves, de l'espoir et de la mémoire. Il paraîtra chez Gallimard - Du monde entier - le 18 février. C'est le premier roman de Jón Kalman Stefánsson à être traduit en français.
C'est à lire - absolument...

Le combat d'Arnaldur Indriðason, Blog de Philippe Lemaire

Merci à Philippe Lemaire, journaliste au Parisien pour le petit texte qu'il publie sur son blog. Nous nous sommes rencontrés vendredi à Paris avec Arnaldur et il nous offre un compte-rendu de ce moment. Agréable.

http://blog.leparisien.fr/planete_polars/2010/02/le-combat-darnaldur-indridason.html#more

Cercle Polar : Hypothermie d'Arnaldur Indriðason et Noir Océan de Stefán Máni

Un très bel article de Martine Laval qui nous parle de Noir Océan de Stefán Máni auquel elle attribue trois étoiles dans le Télérama de la semaine dernière :

http://www.telerama.fr/livres/noir-ocean,52117.php

Et puis, voici la présentation de Cercle Polar, une émission radio de Télérama qui traite cette semaine de trois polars nordiques, à écouter...

"Cette semaine, plongée dans des climats troublants : “L’Echo des morts”, second roman de Johan Theorin et son ambiance fantastique ; le huis clos en mer “Noir Océan”, de Stefan Mani ; et “Hypothermie”, d’Arnaldur Indridason, chouchou de “Cercle polar”, sont passés au crible de l’analyse critique de Michel Abescat et de ses chroniqueuses, soit Martine Laval et Christine Ferniot. Brr, ça fait froid dans le dos… "

http://www.telerama.fr/livre/cercle-polar-38-le-roman-policier-scandinave,52067.php#cmtavis

lundi 1 février 2010

Deux livres

Comment faire quand on a traduit deux livres - très différents l'un de l'autre - qui sortent en librairie le même jour?
Hmm, comme on peut. Par exemple, on expose sur son blog les couvertures car si on a traduit les deux, c'est qu'on aime l'un comme l'autre pour des raisons différentes...
Les deux seront en librairie le 5 février.


Arnaldur is back!

Eh oui, Arnaldur revient pour la sixième fois : La cité des jarres, La femme en vert, La voix, L'homme du lac, Hiver Arctique... Voici : Hypothermie. C'est toujours aussi bien, toujours aussi triste, aussi touchant. Erlendur poursuit sa quête et traîne ses démons, avec patience, avec détermination, non, entêtement : sa recherche de la vérité ne lui laisse jamais de répit.

Arnaldur, quant à lui, continue sa réfléxion sur le temps, celui qui se fige au moment où s'emballent les événements qui annihilent ou enferment les victimes dans leur propre enfer, celui qui engloutit ces moments qu'on croit être le bonheur, celui qui est, à jamais, perdu. C'est une oeuvre funèbre, une méditation sur le temps, la mort et le sens de la vie.