mercredi 12 novembre 2008

Aujourd'hui Le testament des gouttes de pluie d'Einar Már Guðmundsson sort aux Editions Gaïa... Un livre magnifique qui nous parle de tempêtes, de naufrages, de fantômes, de marins, de boisson, de récits, de pasteurs, de coiffeurs, d'elfes et de temps qui passe ou qui ne passe pas, se distend, se contracte, se retourne à chaque page : une méditation sur le temps sous une forme poétique et loufoque. Merci à Gaïa, à Susanne et à Evelyne d'avoir pris le risque de publier ce livre et merci à Einar Mar de l'avoir écrit.

Vous trouverez la présentation de l'éditeur ici : http://www.gaia-editions.com/index.php?option=com_content&view=article&id=325:testament-des-gouttes-de-pluie-le&catid=12:catalogue-general&Itemid=6


Voici aussi ce qu'en dit le critique littéraire et traducteur Philippe Bouquet qui a beaucoup aimé le livre. MERCI à lui pour ce texte :

Einar Már Guðmundsson : Le Testament des gouttes de pluie, Gaïa, 2008, traduit de l’Islandais par Eric Boury.
"On croyait que le « réalisme magique » était la spécialité des latino-américains, mais quand un Islandais s’y met ce n’est pas mal non plus et il nous donne un livre aussi beau que son titre (et que sa couverture !). Il convient cependant de mettre en garde ceux qui n’admettent pas qu’on raconte une histoire en « remontant la pente » au lieu de la descendre (au point qu’on se croit parfois dans Tristram Shandy tant on remonte à Hérode à propos du moindre événement) et qu’elle n’ait pas de fin, que la pluie tombe horizontalement (parfois rouge sang, si elle ne s’envole pas, et en telle quantité qu’elle finit par créer un véritable déluge) et qu’une tempête s’apaise en un instant comme elle s’est levée. Ce livre n’est pas pour eux. Pour les autres, en voici la recette (partielle) : un sellier qui picole en compagnie de quelques « petits » pêcheurs ; un pasteur qui a du mal à écouter sa femme qui veut lui raconter son rêve ; un gardien de jardin des plantes qui s’aventure au-delà du carré des simples ; un coiffeur qui fait le ménage en grand dans sa boutique ; un chauffeur qui a perdu un orteil (lequel a été avalé par une pierre) ; un contremaître privé de son pantalon et de son slip par enchantement ; des gens qui habitent des pierres… Ajouter quelques ratons laveurs, cuire à feu doux dans un moule informe mais bien structuré, et servir chaud. Ne pas oublier la sauce : une langue magnifique qui alterne phrases courtes (parfois deux ou trois mots) et longues périodes de dix voire quinze lignes dans lesquelles le lecteur est ballotté comme au cours d’une partie de rafting sur un torrent alpestre et dont il sort ébloui et étourdi. Un humour cocasse traverse le livre de bout en bout et lui donne une saveur tout à fait particulière. N’oublions pas non plus le travail du traducteur, sans lequel ce livre ne serait pas un tel enchantement de lecture, il est à la hauteur du reste. Avis aux amateurs."
Philippe Bouquet

samedi 8 novembre 2008

Boréales : Invité d'honneur, l'Islande


Les Boréales approchent à grands pas, elles sont cette année consacrées en priorité à l'Islande. Beaucoup d'auteurs sont invités, dont Kristin Maria Baldursdottir, Arnaldur Indridason, Arni Thorarinsson, Einar Mar Gudmundsson, Steinunn Sigurdardottir, Sjon, Gudrun Eva Minvervudottir. L'ancienne présidente de la République d'Islande participera au premier débat intitulé Modernité Islandaise à 14H. A 16H, Arnaldur Indridason sera interviewé par Martine Laval, journaliste à Télérama. Notons également la présence de Régis Boyer qui participera à un débat sur le Réalisme Magique dans la littérature islandaise contemporaine à 17H30. Tout cela aura lieu le samedi 22 novembre à l'auditorium du Musée des Beaux-Arts, au château de Caen.
On remet le couvert le dimanche!
Il y a aussi des expositions, des films, des concerts, de la danse : bref, un véritable festival ! Caen et la Normandie seront pendant deux semaines à l'heure islandaise...

http://www.crl.basse-normandie.com/0-actu/boreales-2008/009.html

Juste avant ce grand week-end littéraire, je signale le colloque : "L'Islande dans l'imaginaire" organisé par Hanna Steinunn Thorleifsdottir et François Emion à l'Université de Caen. Il se tiendra à l'Amphi Bouard, Bâtiment des Lettres, à gauche du Phénix, le vendredi 21 à partir de 9 H et le samedi 22 (matin) également à partir de 9 H. Entrée libre.

http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/erlis/manifestations/807

mercredi 15 octobre 2008

SJÓN, Sur la paupière de mon père / Með titrandi tár

Aujourd'hui est paru Sur la paupière de mon père de Sjón. C'est une oeuvre poétique et surprenante, où l'imaginaire règne en maître, se mêlant de façon grandiose à une réalité parfois tout aussi "loufoque" que l'imagination elle-même. Sjón convie son lecteur à un grand banquet de mots, il lui offre un symphonie de clins d'oeil avec un plaisir de raconter qui jamais ne s'essouffle. Il reprend les mythes islandais ou mondiaux, mélangeant joyeusement Bible et mythologie nordique, sources grecques, sagas islandaises, contes populaires, Histoire récente et ancienne, Guerre froide et Seconde guerre mondiale. Sjón jongle avec une légèreté sans pareille. Il semble s'amuser à nous perdre avant de nous surprendre en nous prouvant que, s'il nous a perdus, ce n'est que pour mieux nous amener à nous retrouver puisque, dans cette oeuvre, chaque mot compte et chaque chose, même apparamment déplacée, est parfaitement à sa place. Un livre jubilatoire qui mérite d'être découvert par les amoureux de la littérature et de la poésie, par les amoureux de la vie.



samedi 4 octobre 2008


La suite du Temps de la Sorcière d'Arni Thorarinsson est parue aux Editions Métailié il y a deux jours. Ce nouvel opus des aventures d'Einar s'intitule Le Dresseur d'insectes. Arni Thorarinsson continue d'y explorer la culture et la société de son pays natal avec lequel il n'est pas tendre. Chaque famille a ses cadavres dans le placard et la société islandaise est une grande famille. Le dresseur d'insectes est un livre humain, on y apprend beaucoup de choses sur l'Islande et le mythe de la nation presque parfaite prend encore une fois du plomb dans l'aile. Les personnages sont bien construits et d'une grande justesse psychologique : celui de Victoria, très touchant, est une merveille. Quant à Einar, il est très en forme.

Voici ce qu'en dit Bernard Strainchamps : "Certes, l’Islande en hiver ressemble à la fin du monde : un désert noir et blanc de lave et de glace. Sans doute la raison pour laquelle l’Islande détient le record des pays où on lit le plus au monde. Mais l’Islande n’avait pas de tradition d’écriture de roman policier. Or dans ce pays où la population est équivalente à celle de Nantes, il y a aujourd’hui 10 auteurs de roman policier dont trois traduits en France.
Même si il y a une vraie vague du polar nordique en France, que le lecteur est donc cuit pour lire n’importe quoi, c’est assez fou. L’Islande n’a eu qu’une médaille d’argent aux derniers JO. Mais elle cartonne en Cinéma, en musique, et maintenant en polar !
Les lecteurs français ont plébiscité Erlendur, l’anagramme à une lettre près de Arnaldur. Mais si ! vous connaissez ce commissaire de la police criminelle à Reykjavik, personnage inventé par Arnaldur Indridason. Divorcé, souvent déprimé, il ne mange que des plats réchauffés au micro-ondes. Et comme Wallander, il a des relations très difficiles et conflictuelles avec sa fille. Et pour notre plus grand bonheur des lecteurs, il est étranger - Erlendur veut dire étranger en Islandais- à « une société trop exemplaire, trop hypocrite qui pèse comme une chape de plomb sur ses habitants ». Car rendez-vous compte : les Islandais ont la « nostalgie d’un eden, la douleur d’avoir à renoncer à cette idée que l’Islande, ce territoire de 103 00 Km² (1/5e de la France) peuplé de 288 000 habitants, où le taux de chômage atteint à peine 3%, n’est pas un cocon de solidarité, une contrée magique à l’abri du crime et de la bassesse, mais une société gangrenée par la violence, qui plus est dans le secret. »
Depuis un an, Erlendur a un petit frère : Einar. C’est un nom assez commun en Islande, proche du mot « einn » qui veut dire seul ou solitaire. Einar est journaliste, personnage récurant inventé par Arni Thorarinsson, publié en France, toujours par les mêmes éditions Métailié. Le temps de la sorcière, son premier roman traduit, a été vendu il y a un an comme le nouveau Millénium. Cette comparaison m’avait alors laissé sceptique. Einar est moins borderline que Lisbeth et Mikael Blomkvist. Même si les sujets abordés et la manière de les mettre en scène se ressemblent. Du Simenon à l’aquavit ! A la lecture de son deuxième roman à paraitre en octobre et intitulé Le dresseur d’insectes, j’ai changé d’avis. Et j’espère que vous allez plébisciter cet auteur. Thorarinson déclare dans une interview publiée sur Bibliosurf, « Einar est conduit par son sens de la justice, sa curiosité, mais il n’est pas politiquement correct. Il n’arrive pas à trouver un équilibre psychologique, mais il ne cesse d’essayer. Il est conscient de ses propres préjugés. Il se moque de lui-même. Dans un certain sens, il est sa propre parodie, et il le sait. » Dans cette dernière enquête, il va jusqu’à se faire interner dans un centre de désintoxication par ce qu’il a appris que son informatrice y a été assassinée. Alcoolique en rémission, il est toujours prêt à nous surprendre.
Arni Thorarinsson n’écrit pas des romans à la Crumley ou Pete Dexter. Mais il ne faut pas bouder son plaisir. C’est un roman noir plein d’humour, de vivacité et de suspense. Un bon remède à la morosité ambiante."

NB : Il y a une petite erreur sur les chiffres mentionnés par Bernard : la population islandaise a dépassé les 300.000 individus, mais bon, c'est un point de détail. J'ajoute qu'étant donné la conjoncture économique actuelle et le marasme monétaire (la couronne islandaise à perdu la moitié de sa valeur en quelques mois!) que le pays connaît depuis quelques mois, il y a fort à parier que le chômage, dont le taux a toujours été très bas en Islande, franchisse allègrement la barre des 3%.








Le temps de la sorcière est paru en poche chez Points Seuil en même temps que le second opus des aventures d'Einar chez Anne-Marie Métailié. C'est un très bon roman que j'ai eu grand plaisir à lire avant de le traduire.

Le texte qui suit a été écrit par Philippe Bouquet, traducteur et critique littéraire, dans le Bulletin Critique du Livre Français :

"Voici encore un « polar venu du froid ». La série commence à être longue (et inégale), mais celui-ci réjouira les lecteurs un peu exigeants. Il se caractérise par un ton absolument délicieux à base d’humour et d’ironie (et toutes les variétés intermédiaires, à commencer par l’auto-ironie). C’est l’histoire d’un journaliste dans la quarantaine, Einar, envoyé en « exil » dans le nord du pays, à Akureyri (une bonne carte d’état-major est recommandée pour situer la plupart des lieux) afin d’y chroniquer la « criminalité à petite échelle » du secteur : menu trafic de drogue, bagarres d’ivrognes et rixes entre indigènes et immigrés (dans ce pays où chacun, à l’origine, était un immigré !) Sans compter la disparition du chien d’Asbjörn Grimson et de Karolina ou le décès d’Asdis Björk au cours d’une partie de rafting organisée par son entreprise pour motiver son personnel et qui tourne mal. Les choses se corsent avec la découverte, sur une décharge, du cadavre carbonisé d’un lycéen qui devait tenir le rôle principal d’une pièce de théâtre. Pour avoir voulu se mêler de l’enquête, Einar est l’objet d’une tentative de meurtre sur la personne de… sa perruche (sauvée par l’intervention d’une karateka femelle). Et il voit Joa, sa photographe, pour qui il en pince un peu, entamer une relation lesbienne. Heureusement, il lui reste sa perruche. Pas drôle, donc, la vie dans ces contrées boréales – mais le lecteur, lui, ne s’embête pas. Il peut même admirer l’habileté avec laquelle l’auteur noue des fils très complexes et disparates et les relie à des notions aussi spécifiquement islandaises que le « Heaume de terreur » ou un lieu aussi important dans l’histoire du pays que l’évêché de Holar, mais aussi avec la criminalité en col blanc, le rock, le théâtre et le cinéma – pour ne pas parler du téléphone portable, lequel peut servir à tout autre chose qu’à téléphoner, comme chacun sait. Ajouter un soupçon de Narcistic personality disorder, une pincée de mondialisation et secouer. Voilà, le cocktail est prêt : il est assez corsé, un peu vertigineux et pas très optimiste : « Est-il possible que les gens aient des enfants ? Si c’est le cas, comment vont-ils ? Dans quel état sont-ils ? » se demande l’(anti-)héros de cette histoire. Au total : du travail d’artiste, servi par une bonne traduction, et un régal de lecture. L’excellent Arnaldur Indridason (publié en France chez le même éditeur) trouve là un sérieux concurrent. Après tout, la saga n’est peut-être pas un genre aussi mort qu’on le croit parfois et les scaldes étaient des virtuoses dans l’art de la tresse littéraire. Beau sang ne saurait mentir." Philippe Bouquet.

samedi 20 septembre 2008

Arnaldur

Je viens de rendre le manuscrit du prochain livre d'Arnaldur Indriðason qui paraîtra, comme d'habitude, aux Editions Métailié début février 2009 sous le titre Hiver Arctique. Je n'en dis pas plus, mais c'est toujours aussi bien. Un livre très émouvant, une atmosphère comme Arnaldur sait en créer... glaçante, avec pour toile de fond, l'hiver et la désepérance d'Erlendur.

dimanche 24 août 2008

Pas grand-chose à dire : le traducteur traduit, traduit, traduit... Trois traductions paraîtront en septembre octobre novembre. 1. Le Dresseur d'insectes d'Arni Thorarinsson aux Editions Métailié. 2. Le testament des gouttes de pluie d'Einar Mar Gudmundsson, chez Gaïa Editions. 3. Sur la paupière de mon père, de Sjón. Je dirai quelques mots des ces trois livres, tous très bons dans leur genre. Le premier est un policier, le second, tel un immense poème en prose, le troisième, très poétique et très drôle.

jeudi 3 avril 2008

Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie




Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie, Guðrún Eva Mínervudóttir, traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson.
Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie est un recueil de nouvelles de la jeune écrivaine islandaise Guðrún Eva Mínervudóttir. Le livre vient de sortir en français aux éditions Zulma dans la très belle traduction de Catherine Eyjólfsson.
PRESENTATION DES EDITIONS ZULMA


"Qu’il s’agisse de prendre un bain après un concert, de manger de la pâtée pour chats, d’adopter un ficus, de prendre Dieu pour amant ou d’ôter de la gorge d’un garçon la boule qui l’étrangle, le quotidien islandais de la narratrice ne manque pas de sel. Ni de piquant.Voici des nouvelles courtes, souvent écrites à la première personne ; des histoires d’amour, de haine, de fantômes, de règlements de comptes avec les autres ou avec soi-même. L’humour, la candeur douce-amère qui se dégage de l’œuvre toute entière ainsi qu’une distance prise par rapport aux personnages laissent à penser qu’on peut tirer des leçons de ce qui nous est raconté, qu’il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre.Le charme subtilement empoisonné d’une prose qui, sous des dehors de ne pas y toucher, sème une étrange confusion dans l’âme."
MON OPINION PERSONNELLE :
Vous n'avez pas trop le moral? La réalité quotidienne vous semble manquer de relief ? Vous êtes follement amoureux? Vous haïssez votre voisin ou au contraire l'aimez secrètement? Vous êtes persuadé que la voisine du dessus est folle ou qu'elle s'entretient avec les fantômes? Vous êtes un jeune homme, un vieille femme, un adolescent qui se cherche, un homme d'âge mûr qui s'est trouvé, mais regrette de ne s'être pas perdu? Vous vous posez des questions existentielles? Vous ne vous en posez pas? Peu importe...
QUI QUE VOUS SOYEZ, ce livre est pour VOUS. Ce n'est pas qu'il va totalement chambouler votre vision du monde, ce n'est pas qu'il va vous entraîner dans des aventures palpitantes et pleines de rebondissements, ce n'est pas tellement non plus qu'il va vous plonger dans des mondes parallèles ou vous emmener sur des planètes étrangères.
Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie vous amènera à envisager le quotidien sous un autre jour. Entre douceur amère, drôlerie et humour parfois décalé, simplicité du style et beauté de la langue (magnifiquement rendue par la traduction de Catherine Eyjólfsson), Gudrun Eva nous promène dans un réel où bien des situation anodines dérapent, quelque part entre la banalité quotidienne et l'imaginaire, le rêve, la cocasserie.
Il suffit de lire les titre des nouvelles pour s'apercevoir que tout n'est pas tout à fait "normal" dans les histoires que Guðrún Eva nous raconte. L'auteur se joue de la logique comme des liens de causalité. Prenez ce : "Maintenant, je vais te donner un bain parce que tu es mon amie"... Ah bon, vous donnez souvent des bains à vos amis, vous? Pas moi! Eh bien, justement c'est peut-être un tort car à la lecture du texte, on aurait bien envie de se mettre au plus vite à cette pratique!
Et cette pure merveille qu'est le titre de l'ensemble du recueil : "Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie" et qui sous-entend que pendant qu' "il ne la regarde pas, elle serait quelqu'un d'autre"?? Je précise que le contenu des nouvelles est évidemment à la hauteur des titres. Certaines sont joyeuses comme un jour d'été, d'autres presque inquiétantes, mais toutes communiquent une irrésistible joie, un irrésistible désir de vivre.
Je m'arrête là car je vous recommande tout simplement de courir acheter le livre dans la première librairie. Eteignez votre ordinateur, sortez de chez vous, trouvez le livre et LISEZ... Bonne lecture!

dimanche 2 mars 2008

Article de Gérard Meudal à propos de "Lhomme du lac" et de "Brouillages" dans Le Monde

Je suis très heureux du bel article de Gérard Meudal dans Le Monde des Livres du jeudi 29 février. Il est élogieux quant aux deux livres dont il parle et surtout il précise deux éléments qu'il est important de garder à l'esprit quand on s'intéresse à la littérature islandaise : premièrement, la langue islandaise a très peu évolué dans sa structure grammaticale depuis le Moyen Âge et, par conséquent, la littérature de cette époque qui semble bien lointaine aux Français est toujours très présente dans l'esprit des Islandais qui baignent littéralement dans la culture des sagas puisqu'ils peuvent lire "dans le texte" les écrits des XIIème et XIIIème siècles ; deuxièmement, cette proximité a nécessairement des répercussions sur la littérature moderne. Ces données surprennent toujours les Français, il est donc bon que quelqu'un les rappelle. Merci pour cela à Gérard Meudal dont voici l'article :

Critique : "L'Homme du lac" et "Brouillages" : du mauvais côté du soleil
LE MONDE DES LIVRES 28.02.08 17h26 • Mis à jour le 28.02.08 17h26

Voilà une épineuse question enfin résolue. On s'interrogeait depuis des lustres sur les origines du roman policier. Fallait-il remonter jusqu'à Poe, Voltaire, ou la tragédie grecque ? Pour Arnaldur Indridason, le roman policier trouve sa source dans les sagas islandaises, et il revendique pour sa part l'héritage de la saga de Gisli Sursson (1), une sombre histoire de meurtre en famille dans une ferme islandaise au IXe siècle.

Ayant peu évolué, la langue ancienne des sagas est restée parfaitement accessible aux lecteurs islandais contemporains et on peut donc admettre qu'elle influence la littérature contemporaine. La floraison tardive de nombreux romans policiers dans un pays qui n'en produisait guère il y a encore quelques années peut sembler, en revanche, plus surprenante. "Le pays compte trop peu de gens (moins de 300 000 habitants), peu d'événements, un quotidien plat, explique Indridason, mais la société islandaise a évolué très vite. On est passé en peu de temps d'une société de paysans pauvres à une société citadine très riche. Mon commissaire Erlendur fait partie des laissés-pour-compte. Il n'arrive à se lier ni à la ville ni au présent."

Le père d'Arnaldur était écrivain ("J'ai été élevé au son de la machine à écrire") et a publié plusieurs ouvrages consacrés à l'exode rural, ce qui explique peut-être pourquoi le thème des déracinés se retrouve si souvent dans les livres du fils. Pourtant, ici, dans ce quatrième roman traduit en français, Arnaldur Indridason s'aventure sur un nouveau terrain, celui du roman d'espionnage. Un tremblement de terre provoque la baisse brutale des eaux d'un lac islandais. On y découvre à cette occasion un squelette vieux de quarante ans, lesté d'un émetteur-récepteur de fabrication soviétique.

UNE SAVEUR PARTICULIÈRE

L'enquête ne vise pas à exhumer les secrets d'espions du temps de la guerre froide, mais, comme d'habitude, à mettre en évidence la solitude et le désenchantement de quelques personnages inadaptés aux mutations brutales de la société. Dans les années 1960, des étudiants islandais de gauche avaient obtenu une bourse pour poursuivre leurs études en RDA, à Leipzig. Passé le premier moment d'enthousiasme, ils avaient découvert le "socialisme réellement existant".

Certains en étaient revenus horrifiés, d'autres n'en étaient pas revenus du tout, mais ils avaient tous commis la même erreur : croire que le danger vient forcément de l'étranger et que, s'il était légitime, et nécessaire, de se méfier des mouchards de la Stasi, ils n'avaient rien à craindre de leurs compatriotes.

Jon Hallur Stefansson, né en 1959, appartient à la même génération que Arnaldur Indridason. Brouillages, son premier roman, met en scène un conflit de générations qui tourne à l'affrontement sanglant.

Marteinn découvre que son père, Björn, un brillant architecte de Reykjavik, entretient une liaison avec Sunneva, la fille d'un associé qu'il a plus ou moins évincé et dont il pourrait être le père. Avec l'aide de son ami Hallgrimur, il va mener une enquête qu'il veut discrète.

Mais lorsqu'on retrouve Björn dans le coma près du chalet d'été de la famille, où gît le cadavre de Sunneva, il n'est plus temps de laisser l'enquête aux mains de détectives amateurs. Valdimar, le policier chargé de l'affaire, est lui-même un bel exemple de ce conflit générationnel.

Quand il vitupère sans cesse contre ces gens qui mènent une vie sexuelle dissolue et passent leur temps à fumer des joints, ce n'est pas aux adolescents qu'il pense mais à la génération de ses parents, et plus précisément à son père, ex-soixante-huitard.

L'élégance et la précision de la langue, qui doivent sans doute beaucoup au travail remarquable d'Eric Boury, le traducteur des deux romans, forme un étrange contraste avec la cruauté des situations. Volonté de domination, lourds silences des familles, haines recuites : bien sûr, on trouvait déjà tout cela dans les sagas, rien de nouveau sous le soleil. Sauf que le soleil islandais a la particularité de briller par son absence pendant de longs mois avant d'imposer sa présence jour et nuit, ce qui modifie légèrement l'éclairage et donne une saveur particulière à ces polars venus du Nord.

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"L'Homme du lac" (Kleifarvatn) d'Arnaldur Indridason. Traduit de l'islandais par Eric Boury. Métailié Noir, 390 p., 18 €.

"Brouillages" (Krosstré) de Jon Hallur Stefansson. Traduit de l'islandais par Eric Boury Gaïa, 320 p., 21 €.

(1) "Folio", Gallimard, traduit par Régis Boyer.

A signaler la parution en Points de La Voix, le précédent roman d'Arnaldur Indridason qui a obtenu en France le Grand Prix de littérature policière 2007.

Gérard Meudal
Article paru dans l'édition du 29.02.08

Petite précision avec retard, L'homme du lac d'Arnaldur a reçu le Prix du Polar européeen du point à l'occasion du festival Quai du Polar, à Lyon.

vendredi 11 janvier 2008

Brouillages, polar islandais chez Gaïa

Brouillages de Jón Hallur Stefánsson (Krosstré) paraîtra aux Editions Gaïa début février. Le livre est paru en janvier au Danemark sous le titre : Kvinden der forsvandt. La presse danoise s'est montrée très élogieuse... (Malheureusement, je n'ai pas le temps de traduire les compliments en français pour l'instant!)

Brouillages de Jón Hallur STEFÁNSSON
Polar traduit de l’islandais par Éric Boury
13 x 23, 320 pages, 21 €
Collection Gaïa polar

Le livre :

Un architecte apparemment bien sous tous rapports est retrouvé inanimé au bord du lac de sa maison d’été. Qui lui a fracassé le crâne ? Sa femme ? Son fils ? Sa jeune maîtresse ? Son ancien associé, viré pour alcoolisme ? Ou ce mercenaire japonais qui disserte volontiers sur l’art de tuer, et qui trouve en l’Islande un décor idyllique pour mettre en scène ses meurtres ?Jón Hallur Stefánsson nous immerge dans la bonne société islandaise, où tout le monde sait tout sur tout le monde, où la vie à la fois monotone et complexe de chacun brouille les pistes. Brouillages est un polar empreint de relations humaines à la violence exacerbée, à l’image d’une nature grandiose et extrême, qui plonge le lecteur dans un huis clos étouffant.

L'auteur
Jón Hallur Stefánsson est né en 1959. Il s’était fait remarquer en 2004 en obtenant le prix de l’Association des auteurs policiers d’Islande pour une nouvelle intitulée Enginn engill (Loin d’être un ange). Brouillages a connu un grand succès public en Islande, la critique l’ayant décrit comme l’héritier du maître maintenant incontesté qu’est Arnaldur Indriðason.


Extraits de la presse étrangère
Le livre est un bouillonnement de passions enflammées, de haine, d’obsessions, de jalousie agrémentées d’une petite touche de folie. Jón Hallur mélange tous ces ingrédients en un roman policier extrêmement bien écrit, ce qui fait de Brouillages un livre à la fois littéraire et très captivant.Þórarinn Þórarinsson, Fréttablaðið
Jón Hallur est surnommé le prince héritier du roman policier islandais et il mérite amplement son titre de bout en bout de son premier roman. L’histoire est captivante et l’intrigue, les personnages et tout l’environnement collent impeccablement à la réalité islandaise. Brynhildur Björnsdóttir, Birta
Complexe, poétique et remarquablement bien écrit, Brouillages est le premier volume captivant d’une excellente série de polars. Buch-Aktuell
Jón Hallur Stefánsson écrit de manière plus épurée, plus austère qu’Arnaldur Indridason. Chez ses personnages, l’amour est brutal, jamais délectable. Mais l’humour est noir, bizarre et hilarant. Un polar macabre qui prend le lecteur en otage jusqu’à la dernière page.

Quant à la présentation de L'homme du lac, on la trouvera plus bas ici et sur le site des Editions Métailié http://www.editions-metailie.com/indoc/l-homme-du-lac-de-arnaldur-indridason-T927.htm

jeudi 3 janvier 2008

La voix d'Indridason en Points Seuil

Aujourd'hui, 3 janvier 2008 paraît en collection de poche le troisième Indridason, LA VOIX, qui a obtenu le Grand prix de la littérature policière cet automne.

Plus qu'un mois à peine à patienter avant la sortie de L'HOMME DU LAC, le quatrième opus sort chez Anne-Marie Métailié le 1er février...